Dominique Ollivier est bien connu pour traiter les sujets en profondeur dans le souci permanent de ne pas se laisser enfermer dans une analyse succincte de la réalité, à base de généralités et de connaissance commune. Combien de livres ne tiennent pas leurs promesses ? Quel profit en tire-t-on ? Un cavalier prend la délicatesse pour la légèreté. Un autre affirme que la légèreté est l'essence de l'équitation. Mais l'essence s'évapore avec cette définition qui n'en est pas une. On aimerait savoir où et comment se procurer cette précieuse essence dont on n'en saura pas plus. Un autre nous explique que la légèreté a plus de valeur que de signification, une langue de bois qui en dit long ! Quant à l'échelle de progression sportive, elle ne retient de la définition qu'en a donné le général L'Hotte que la flexibilité des ressorts en omettant toutefois de préciser l'essentiel ; à savoir que, pour le général, la légèreté ne concerne que la haute école dont elle est la pierre de touche et rien ne présage qu'elle soit transposable à d'autres équitations. Autrement dit, en sortant la légèreté de son contexte, on fabrique un mythe et on court après une propriété inaccessible. Bref, la légèreté embarrasse tout le monde. Après un tel essorage, doit-on s'étonner de l'image distordue de la légèreté, bien entendu hors d'atteinte dans ces conditions comme les résultats l'attestent ? Mais les cavaliers doivent s'en contenter et se laisser docilement formater par un système qui ne leur permet pas de comprendre que l'incapacité des chevaux à stabiliser le piaffer, entre autres, est un flagrant délit d'absence de légèreté malgré les incantations.
Depuis de nombreuses années, tous les efforts de l'auteur convergent vers une montée en puissance de l'École française, une équitation rationnelle qui ne se ramène pas à une théorie simplette autour de quelques bonnes manières. Une représentation sommaire du cheval donne lieu à une équitation sommaire. C'est une corrélation qu'on vérifie toujours. Quand on fait le bilan de tout ce que le cavalier ne prend pas en compte parce que, pour lui, n'existent que les informations dont le système a bien voulu lui faire part, on comprend les raisons de son plafonnement. Et, si le cavalier est dans le déni d'une complexité qu'il fait tout pour contourner, ses résultats traduisent vite l'embarras dans lequel le met une réalité à laquelle rien ne le prépare, une situation pathétique qu'on rencontre en permanence.
Rien ne permet de confondre le sport avec l'École française quoi qu'en dise le général Decarpentry. Dans son sillage, le sport équestre s'entête à faire croire aux français que l'enseignement du Dressage est non seulement conforme mais satisfaisant, un gros mensonge auquel les Jeux Olympiques de Londres ont, encore une fois, opposé un démenti formel. Ce livre a précisément pour but d'ouvrir les yeux des cavaliers pour leur éviter de se laisser séduire à bon compte par ces discours qui font passer l'équitation de compétition pour de l'Art alors que tout les oppose. A la différence du sport dont la théorie atteint un seuil liminal, l'École française est science et Art. Elle ne peut donc pas s'accommoder d'un raisonnement simpliste et réducteur qui roule sur une théorie sportive d'une infériorité équestre évidente. Laisser penser que la légèreté est la flexibilité des ressorts de n'importe quel cheval, quelle que soit sa posture, n'est pas de L'Hotte. Quant à laisser supposer que la flexibilité des chevaux allemands ou assimilés est la seule qui présente un intérêt, c'est de la discrimination pure et simple ! Les résistances structurelles de l'animal s'opposent à la légèreté et, dans l'ordre des priorités, ce sont les premières à éradiquer. Curieusement le sport en fait abstraction ! C'est la raison pour laquelle BAUCHER accorde tant d'importance à la posture et à l'équilibre qui lui est associé. Cet équilibre n'est pas n'importe lequel puisqu'au rassembler dans le ramener, BAUCHER fait correspondre l'équilibre horizontal d'un cheval qui se soutient tout seul, une configuration que le sport évacue en faisant l'économie d'une réflexion intellectuellement satisfaisante qui confond encore équilibre horizontal avec équilibre naturel tout en proclamant sa conformité avec l'École française, une façon d'annexer l'École française au sport. La moindre des choses, quand on s'abrite derrière le général L'Hotte, est de ne pas déformer sa pensée. Il n'est donc pas étonnant qu'en cherchant la légèreté d'un cheval sur les épaules, tout en faisant abstraction des résistances structurelles, on ne la trouve jamais parce qu'un cheval sur les épaules n'est pas léger et ce n'est pas la flexibilité des ressorts qui change quoi que ce soit à un problème mal posé. Se réclamer de la légèreté sur des bases aussi fausses est juste une escroquerie intellectuelle !
C'est pour ne pas tomber dans ce simplisme que Dominique Ollivier conditionne la théorie de l'équitation à la puissance du raisonnement et propose une analyse approfondie de la légèreté. Et, quant à se contenter de donner des synonymes pour toute définition, l'auteur préfère se rallier à François BAUCHER, l'homme pour lequel la légèreté est le résultat d'une stratégie d'élimination des résistances, d'où qu'elles viennent.
L'École française offre une alternative aux cavaliers victimes de l'hégémonie du sport, lequel revendique les propriétés de la haute école, tout en ridiculisant la légèreté. Il se trouve que la légèreté est la propriété de la haute école la plus aliénée par le sport qui la relègue avec le rassembler en fin de cursus, tandis que pour l'École française, ils sont à la base de la haute école, ce qui ne permet pas de confondre le sport et l'Art. Après avoir lu ce livre, qui osera encore prétendre que l'équitation de rectangle est de la haute école ? Se figurer qu'un cheval est léger parce qu'il exécute proprement sa reprise, c'est omettre de prendre en compte tout ce que l'équilibre d'un cheval sur les épaules a de défectueux, a fortiori lorsqu'il est obtenu avec la tension des rênes parce qu'il est incapable de se soutenir de lui-même. En outre, la légèreté ne fait pas bon ménage avec les cavaliers athlètes, un obstacle aussi rédhibitoire que le bas et rond fait du cheval une bête de somme. Mais, solution de facilité, le sport exhibe des phénomènes pendant que la haute école engendre des chefs-d'oeuvre.
Aujourd'hui, on ne tarit pas d'éloges sur le capitaine BEUDANT. Qu'on ne se fasse pas d'illusions, il se ferait crucifier sur le rectangle pour ne pas pousser son cheval sur le mors, la seule équitation à laquelle le sport accorde une légitimité, une équitation dédiée à la compétition germanisée jusqu'à la moelle. Le sport s'équilibre, avance et tourne. Qui peut croire encore que la légèreté émane d'une telle trivialité ? En vérité, elle subit le même sort que le rassembler. Elle est présentée comme une verrue, une pièce rapportée au dernier moment. C'est pourquoi tant de cavaliers, otages du sport, n'ont qu'une idée fausse de ce qu'on appelle à tort et à travers la légèreté.
L'École française dispose d'une doctrine à la hauteur de ses ambitions et non pas d'une doctrine a minima à l'attention des cavaliers les plus maladroits. Qu'est-ce que la Légèreté ? tente d'apporter des réponses mais son plus grand mérite est de soulever des problèmes.
Lassé de voir la légèreté évoquée avec une légèreté sans précédent, Dominique Ollivier s'est donné pour objectif de sensibiliser les cavaliers à la nature complexe de la légèreté et ce qu'il faut faire pour l'obtenir, ce qui s'appelle la Méthode de BAUCHER. cette méthode n'a rien de nouveau. Elle existe depuis le XIXe siècle et cet Art français surpasse tout ce qu'on connaît à ce jour. Il fait toujours l'objet d'une discrimination de la part des pouvoirs publics qui le censurent et le contournent avec des équitations substitutives dont les résultats font peine à voir si on les compare à ceux de BAUCHER ou de ses élèves. L'équitation dite de légèreté est un pléonasme. C'est une façon d'esquiver BAUCHER dont l'équitation est la seule qui, jusqu'à concurrence du contraire, ait fait ses preuves sans pour autant que le cheval soit un phénomène. BAUCHER nous a montré le chemin. Il est celui qui a conditionné l'équitation à la légèreté. C'est aux cavaliers de faire preuve de lucidité, d'esprit critique et de discernement pour ne pas se laisser aliéner par toutes ces compétences qui se donnent pour but d'assigner à l'Art équestre leurs propres limites en oubliant que l'Art n'a pas de limites, pour autant qu'il soit biologiquement satisfaisant et que le cavalier bénéficie d'une totale liberté d'expression, ce qui n'est pas le cas du petit jeu qui consiste à faire ce que les juges veulent voir, une conception de l'Art complètement dévoyée, un comportement suffisamment servile pour oublier toute prétention artistique.
Enfin, ce livre est une démonstration que la recherche de la légèreté est aussi indissociable de BAUCHER qu'elle est une énigme pour ses contempteurs dont le dénominateur commun est de donner libre cours à leur hostilité pour masquer ce que leur intellignece ne leur permet pas de comprendre. En revanche, tous les cavaliers qui consentent à faire l'effort de chercher à comprendre BAUCHER, avides de savoir comment on obtient d'un cheval qu'il soit facile et agréable à monter, apprécieront ce livre et cette recherche permanente qui s'appelle le bauchérisme. C'est toujours un projet ambitieux et une aventure humaine extraordinaire.
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